Dans mon précédent édito d’avril 2016, j’abordais la question de l’introduction d’une posture coaching dans une pratique professionnelle. En substance, j’affirmais qu’il n’y a pas de pratique professionnelle chimiquement pure en termes de postures: un coach adopte aussi d’autres postures par moment et en toute conscience. Cette dynamique des postures n’est pas réservée uniquement aux coachs. J’aimerais revenir sur ce sujet par la question  suivante: est-ce qu’un manager peut être un manager coach ?

Cette question est largement débattue sur divers sites internet. Preuve que la réponse n’est pas évidente et univoque. Accoler une posture coach à une fonction managériale est à la fois incompatible et par instant souhaitable. Si l’on définit brièvement le coach comme celui qui ne sait pas pour l’autre, qui l’accompagne vers son objectif en l’aidant à trouver ses propres solutions, alors plusieurs freins chez le manager à la posture coach sont facilement identifiables.

Premier frein: Le coaché doit être volontaire et formuler une demande d’aide.
Comment exprimer sa réticence d’être accompagné par son supérieur ? Le collaborateur est pris par une injonction paradoxale. S’il dit oui, il pourrait devoir dévoiler des aspects qui pourraient se retourner contre lui. S’il dit non, le collaborateur passe pour celui qui ne saisit pas une main tendue et pour une personne peu encline à progresser. Il risque certainement d’être un volontaire sous contrainte. Quid de la confiance ? La liberté est un fondement éthique de la posture d’un coach professionnel.

Deuxième frein: le manager a une expertise dans le domaine du collaborateur.
Du coup, il est vraiment difficile de taire ses propres solutions. Le manager aura des difficultés à ne pas glisser vers des questions qui sont des propositions déguisées du style: « as-tu pensé à… » ou « est-ce que tu ne penses pas que… » Est-il indispensable de maîtriser le domaine pour encadrer et piloter son équipe ?

Troisième frein: le manager est juge et partie.
Imaginons que le manager, en bon coach, donne l’espace à son collaborateur de manière à le laisser explorer toutes les facettes de sa problématique. Il lui sera difficile de ne pas en tenir compte consciemment ou non dans le cadre des entretiens d’évaluation ou lors de choix stratégiques par exemple. Et que se passe-t-il si le manager fait partie du problème ou pire si le problème est lié à leur relation ?  Qui écoute ? Le manager ou le coach. Qui parle ? Le professionnel ou la personne. Le collaborateur devra identifier dans quelle posture son manager lui parle à l’instant. La double posture de manager-coach crée de l’ambiguïté dans la communication.

Quatrième frein: le manager se doit d’être efficace, rapide et tenu par des objectifs à court terme.
Les problèmes ne peuvent pas attendre et les solutions non plus! Cet environnement de travail est antinomique avec le fait de laisser à ses collaborateurs le temps de trouver leurs solutions. Derrière cette difficulté se cache une croyance fort répandue: donner des réponses permet un passage à l’action plus rapide. Cette affirmation est vraie justement à court terme… la réactivité est la bienvenue, valorisée et parfois récompensée. Cette réactivité prend le pas sur la dimension stratégique, sur le développement à moyen terme des collaborateurs. Il est vrai que les objectifs opérationnels assignés aux managers sont plus fréquents que des objectifs de développements humains. L’opérationnel est un enjeu existentiel dans l’entreprise, c’est certainement vrai encore une fois à court terme…

Nous pourrions évoquer encore d’autres freins autour du choix et du contrôle des objectifs, de la confidentialité, etc.

Malgré les freins évoqués, je crois qu’il est possible de diriger son équipe avec des outils du coaching sans prétendre conduire un processus de coaching comme le fait un coach professionnel. Un manager reste un manager, un coach reste un coach. Je préfère parler d’un manager qui s’inspire des méthodes et des outils de coaching pour accomplir sa mission. Pour réussir à intégrer par instant une posture coach dans son travail managérial, il s’agit de travailler en permanence cette question philosophique : qui suis-je ? Qui est l’autre pour moi ?

D’autres questions plus coaching sont aussi à l’ordre du jour. Que disent mes actions et mes paroles de la place que je laisse à l’autre et du rôle que je lui accorde ? Que dit ma voix intérieure lorsque je suis pris en tension entre contrôler et autonomiser ?

Pour conclure, le manager qui souhaite colorer sa fonction d’une posture de coach ne peut faire l’économie d’un travail sur soi en continu. Tel est le commencement : le management de soi.

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Eric Gubelmann coach accrédité ICF et formateur en coaching, décembre 2016