Le billet du mois par Olivier Mack

Le coaching : une mesure au service du développement durable ? 

 

Il faudrait être sourd et aveugle, un ermite coupé du monde ou un climato-sceptique convaincu pour ne pas être au courant de LA thématique qui fait la une de l’actualité. Les mots-clés « développement durable », « biodiversité », « réchauffement climatique » ainsi que les noms de Greta Thunberg, d’Extinction Rebellion ou des divers lieux liés aux manifestations pour le climat font partie désormais de nos discussions et de nos préoccupations.

 Que l’on soit profondément convaincu par l’urgence de la question ou moins alarmiste, force est de constater qu’il est indispensable d’agir : le résultat des toutes récentes élections fédérales en représentent un signe flagrant. Que cela soit au niveau collectif ou individuel, les personnes se mobilisent là où elles ont les moyens de le faire : comme le disait Jean-François Rubin, directeur de la Maison de la Rivière à Tolochenaz sur les ondes de LFM en octobre 2018, « pour sauver le monde, il faut pouvoir sauver son monde ».

 En ce qui me concerne, j’ai pris le parti, tel le colibri de la fable amérindienne du même nom, de faire ma part plutôt que succomber au défaitisme et au sentiment d’impuissance devant l’ampleur de la tâche ainsi que devant l’immobilisme des politiques. Il y a d’abord les gestes écologiques : ampoules LED ; utilisation d’énergies autres que fossiles ; diminuer la consommation de protéines animales ; acheter local, en vrac et bio ; se déplacer en transports publics plutôt qu’en voiture ou en avion. Mais cela suffit-il ? La sauvegarde de nos écosystèmes peut-elle se limiter à des changements de comportements « de surface » ou nécessite-t-elle une réflexion en profondeur de ce qui se cache derrière nos attitudes ?

 Dans leur ouvrage prônant l’écologie intérieure[1], Marie Romanens et Patrick Guérin parlent de la nécessité de réintroduire de la « reliance » et de rétablir un lien plus équilibré entre ce que ce nous sommes et ce dont nous faisons partie. Autrement dit : pour mieux vivre avec le monde qui nous entoure, il nous faut (ré)apprendre à prendre soin du lien avec nous-même. À quoi cela nous sert-il d’appliquer une liste de nouveaux comportements éco-responsables si nous ne nous penchons pas sur ce qui fait que nous consommons autant voire (beaucoup) trop ? L’acte de recycler ce qui finit dans nos diverses poubelles peut-il se passer d’une réflexion autour du tri de nos « déchets intérieurs », de nos « faux besoins », souvent imposés par la société et/ou par nos « pensouillures »[2] mentales.

 Comme le soutiennent les deux auteurs, nous nous coupons souvent de nos vrais besoins, de ce qui est essentiel pour nous car « à une époque où le rationnel et l’objectivité prévalent, où l’accent est mis sur les performances et la réussite, il n’est guère facile de laisser apparaître sa sensibilité, son émotivité, ses facultés intuitives, la douceur de son cœur et son imaginaire poétique. Tout ce versant de l’être doit rester indécelable, sous le contrôle de la volonté » (p. 144) et, ajouterais-je, anesthésié par des comportements éco-irresponsables dont l’objectif est de nous soustraire à notre vulnérabilité [3].

 Dans ce sens, le coaching, du moins tel que je le comprends et le pratique (et tel que le promeut également Coaching-Services), n’est pas juste un effet de mode qui « épouse » l’actualité mais bel et bien une mesure de développement durable. En effet, si l’on en croit Regula Kyburz-Graber, Ueli Nagel et François Gingins[4], il est nécessaire, pour permettre à chacun-e de se développer de manière durable et écologique, d’apprendre à agir malgré les incertitudes, à affronter les contradictions (en commençant par celles intérieures) de manière constructive, à réfléchir à ses valeurs, à développer de nouveaux regards ainsi qu’une compréhension systémique, sur soi-même et sur nos contextes professionnels et personnels.

 Un programme, certes exigeant et demandeur de temps, mais de mon point de vue incontournable si l’on veut parler d’une écologie véritable et complète.

 Olivier Mack, formateur d’adultes et coach (Mackoaching/Être en chemin).

[1] Guérin, P. & Romanens, M. (2010). Pour une écologie intérieure. Paris : Payot.
[2] Marquis, S. (2016). On est foutu, on pense trop. Comment se libérer de Pensouillard le Hamster. Paris : Points.
[3] Voir à ce sujet la vidéo-conférence TEDx de Brené Brown « Le pouvoir de la vulnérabilité » : https://www.ted.com/talks/brene_brown_the_power_of_vulnerability?language=fr – t-17490
[4] Kyburz-Graber, R., Nagel, U., Gingins, F. (2010). Demain en main. Enseigner le développement durable. Mont-sur-Lausanne : LEP.