A quel moment puis-je me déclarer professionnel ?

Maintes fois, j’ai entendu cette question au cours du parcours de formation de nos « étudiants ». Elle surgit parfois comme LA motivation à se lancer dans une phase de professionnalisation, que ce soit une certification chez Coaching-Services et/ou une accréditation ICF. Souvent, cette question revient lorsque l’étudiant cherche à se faire connaître pour démarcher ses premiers clients.

Comme vous le savez, une bonne question provoque d’autres questions par effet de domino. Ce phénomène est une manière simple d’élargir notre vision d’un problème, de le resituer dans le cadre d’une problématique plus générale. A tout problème sa solution comme le dit François Balta[1] (2017). Tandis qu’une problématique renvoie à des questions plus existentielles, philosophiques. A ce titre, les réponses sont nuancées, incertaines, résultantes d’un travail d’équilibre et de compromis entre soi et son contexte. De plus, elles ne peuvent être valables pour tout le monde : les réponses sont individuelles, variables selon les désirs et sensibles à notre histoire de vie et notre personnalité. Concrètement, toute problématique pose une série de problèmes, donc de solutions partielles, que nous exprimons volontiers sous forme de questions :

  • Comment vais-je m’y prendre pour me déclarer professionnel ?
  • Que doit-il se passer pour que je n’aie plus à me poser cette question ?
  • Qu’est-ce qui serait utile de vivre pour me détacher de cette question ?
  • Quelles valeurs sont en jeu dans cette question ?
  • A quoi verrai-je que je suis professionnel ?
  • Comment me libérer du syndrome de l’imposteur[2]?

Derrière cette question se cachent des besoins tous plus légitimes les uns que les autres : besoin d’être à la hauteur, besoin de sécurité, de réussite, d’appartenance à une communauté professionnelle, d’accomplissement et d’autres encore…  De mon côté, en tant que coach novice, j’avais la préoccupation d’offrir une prestation déontologiquement et éthiquement respectueuse du client. La personne confie un morceau de vie, son bien le plus précieux. Ce n’est pas une mince affaire, me disais-je à l’époque. En bref, je voulais être sûr de ne pas faire de bêtises dans mes coachings.

En clair, vous avez compris que je suis dans l’incapacité de répondre à la question de départ à votre place ? Par contre, je peux attirer votre attention sur son implicite. C’est une chose de se déclarer professionnel, c’en est une autre de se sentir professionnel. La première est une action observable, la deuxième est une pensée subjective à forte charge émotionnelle. Cette distinction est importante. Il me semble donc utile de différencier ces deux aspects à la fois dans leur temporalité et aussi dans leur traitement. Je peux déclarer être professionnel, sans toutefois me sentir entièrement professionnel. Car s’il faut attendre de se sentir professionnel avant de le déclarer, comment vais-je acquérir cette assurance ? L’action précède l’espoir et non l’inverse déclare Yvonne Dolan[3]. Notre légitimité grandit par le cumul de nos expériences.

A ce stade de notre réflexion, il faut lever une ambiguïté : la distinction entre les concepts de changement et de transition. Le changement est circonstanciel, sur un laps de temps court, visible, observable : je change de profession, je déménage, je suis maman, veuf, je reçois une promotion.…  Ce changement peut engendrer une transition qui, elle, est psychologique, d’une durée plus longue, interne voire intime, cachée. La transition est un processus vivant, non mécanique, personnel, et non-prédictif dans le sens où l’incertitude pèse sur l’issue du processus transitionnel. Le changement extérieur entraîne toute une démarche intérieure qui fait passer l’individu de l’ancien au nouveau. Ce n’est pas parce qu’un changement est amorcé qu’il est intérieurement intégré. Même si le changement extérieur est fait, le processus de transition à l’intérieur de soi suit un rythme propre à chacun (Roberge, 2002[4]). Autrement dit, changement et transition sont deux moments distincts.

Cela dit, encourageons-nous les uns les autres à grandir en tant que professionnel, que l’on soit à l’orée d’une pratique ou que l’on soit aguerri, sachant que, dans ce domaine, il n’y a pas de sommet mais seulement un chemin. Coaching-Services offre des possibilités diverses de soutenir votre transition et de vous encourager au travers des soirées d’entraînement, de la supervision de groupe ou du cycle Explorer son identité.

Eric Gubelmann, coach accrédité ICF et formateur.

[1] Balta F. (2017) L’autosupervision. Paris : Fabert p. 90.
[2] Les personnes qui souffrent du syndrome de l’imposteur expriment un doute prononcé qui les empêche de reconnaître leurs compétences et leurs réalisations personnelles. Ces personnes ont l’impression de ne pas mériter leur place, particulièrement au travail et dans ce qu’elles font.
[3] Yvonne Dolan Psychothérapeute américaine pratiquant l’approche centrée solution.[4] Roberge M. (2002) Tant d’hiver au cœur du changement. St-Foix (Québec) : éditions Septembre.