Le billet du mois par Olivier Mack

 

Dans la grande majorité des cas, les personnes qui viennent me trouver vivent une situation insatisfaisante, voir douloureuse ou insupportable à leurs yeux. C’est alors qu’intervient tôt ou tard, dans le processus d’accompagnement, la question du « pourquoi » (que s’est-il passé pour que j’en arrive là aujourd’hui ?) et du « pour quoi » (qu’est-ce que je fais avec cette situation et avec la manière dont je la vis ?).

Il est donc souvent question de sens. Dans sa dimension horizontale et temporelle d’abord : il y a un « avant », si possible à dépasser, un « présent » que vit la personne et un « après » qui devrait idéalement correspondre à une amélioration. Dans cette acception, le mot « sens » signifie« direction » : l’accompagné désire avancer sur son chemin de vie professionnelle et accepte de mettre en place des changements soit au niveau du contexte déclencheur de la problématique soit au niveau de ses comportements et de ses attitudes.

Dans sa deuxième acception, trouver du « sens » passe également par une dimension  verticale. Il s’agit d’abord de changer d’ « altitude » pour prendre de la hauteur, du recul, pour observer, comprendre, accueillir la situation. Cette élévation permet en même temps – apparent paradoxe – à l’accompagné de mieux descendre en soi, de sonder ses émotions, ses besoins, ses rêves et, plus difficiles à admettre, ses propres freins, ses propres « diablotins ».

Dans cette posture à la fois extérieure et intérieure, l’esprit analyse, nomme, décortique, sépare, trie, hiérarchise : l’accompagnement est alors un processus cognitif qui passe par l’expression, l’extériorisation d’éléments souvent non explicités, donnant ainsi un sens, une signification à ce qui émerge, parfois à la surprise de l’accompagné.

Mais l’esprit seul ne suffit pas. Au raisonnement, il est nécessaire d’associer les résonnances : si l’esprit raisonne, l’âme résonne et cela au niveau de notre corps, véritable instrument de musique dont les vibrations, l’énergie et les notes donnent des informations significatives, donneuses de sens, au binôme accompagné-accompagnant.

Le mot « sens » gagne donc, grâce au corps, une dimension de « joui-sens » (selon les termes de François Cheng dans son très bel ouvrage, Cinq méditations sur la mort autrement dit sur la vie) : vivre une vie professionnelle équilibrée passe également par la capacité d’être présent à soi-même, d’être à l’écoute de son corps, siège des émotions et véritable gant de l’âme. Une attention tout particulière est donc consacrée à nos « sens-ations », agréables et fluides quand nous habitons et investissons pleinement notre activité et que cette dernière a du sens pour nous. Ou alors, dans le cas contraire, des « sens-ations » désagréables, parfois douloureuses, s’imposent à nous, laissant notre enveloppe charnelle parler pour nous à travers un certain nombre de tensions et de blocages significatifs.

C’est donc en faisant appel à l’esprit, à l’âme et au corps que l’accompagné peut donner à la fois une signification et une direction à son chemin de vie. Ou, autrement dit, c’est probablement en cheminant vers soi-même que l’on peut dessiner avec plus de netteté les contours du chemin à venir. La tâche de l’accompagnant consiste alors non pas à guider la personne sur une voie toute tracée, mais à lui permettre de découvrir par elle-même le sens de ce qu’elle est en train de vivre et de ce qu’elle veut encore découvrir. Car, pour reprendre François Cheng, « de fait nous n’obtiendrons pas la Vérité, qui ne peut se posséder, mais ce qui nous importe avant tout, c’est d’être vrais : lorsqu’on est vrai, au moins a-t-on une chance non pas d’avoir la Vérité, mais d’être dans la Vérité ».

Bonne suite de chemin, intérieur et extérieur, à toutes et à tous !

 

Olivier Mack, coach indépendant (www.mackoaching/Être en chemin), coach interne (Établissement primaire et secondaire d’Isabelle-de-Montolieu à Lausanne) et formateur d’adultes à la Haute École Pédagogique (HEP) Vaud. Septembre 2014.