billet du mois par Natacha Andenmatten

La force d’inertie

Mars 2020…

Le monde m’est tombé sur la tête ! Nos formations s’annulent les unes derrière les autres, sans idées de quelle sera l’ampleur et la durée du phénomène. Prise dans le tourbillon de l’activité dense jusque-là, je reste active, je me démène, je solutionne à tour de bras, bien consciente que le rythme que je m’impose n’a rien de raisonnable, mais je ne peux m’empêcher d’être dans le « faire ». Après quelques semaines d’hyperactivité fébrile, je commence à trouver le temps long et un autre phénomène prend place dans mon quotidien : la baisse de motivation. Zut… plus de dopamine produite par le fait de réaliser des actions, rien que le vide et le manque d’ocytocine généré par l’absence de liens de qualités avec mes coachés…

Puis vient le temps de la pensée (enfin me direz-vous !). Je suis une adepte de la mesure dans la recherche de « Vérités » ! D’ailleurs, celles assénées avec force de conviction durant cette crise m’ont passablement agacée. Cependant, je me suis intéressée à ma propre vérité et par là-même à mon fonctionnement. On n’a jamais fini d’apprendre…

Comment est-ce possible, alors que je professe dans mes cours toutes les bonnes pratiques pour prendre soin de soi et de ses ressources, que je sois si inefficace dans la mise en place rapide desdites pratiques dans cette crise ? Je pensais alors que le savoir c’est le pouvoir… Et bien, en ce qui me concerne, je dois avouer que j’ai pris une leçon d’humilité. J’ai beau savoir, je n’ai pas eu plus de pouvoir…

C’est alors que je me suis rappelé un film tourné par une personne anonyme lors de la catastrophe du meeting aérien de Ramstein en 1988. Lors de ce meeting, trois avions de patrouille sont entrés en collision et se sont écrasés sur le public. J’ai visionné les images (terribles) tournées ce jour-là lors d’un cours sur les interventions en cas de catastrophes durant ma formation d’infirmière et une des choses qui m’avait le plus choquée était de constater que la personne tenant la caméra continue de filmer durant plusieurs minutes suivant le crash, passant à côté des blessés sans intervenir… L’explication de cette attitude tenait en un principe : l’inertie.

En sciences, l’inertie est la propriété qu’ont les corps de ne pouvoir d’eux-mêmes changer l’état de repos ou de mouvement dans lesquels ils se trouvent… Dans le contexte de cette catastrophe, ce vidéaste amateur, devant le carnage, n’a pu que se raccrocher à ce qu’il faisait précédemment : filmer.

Si je regarde ce que j’ai vécu mi-mars à travers ce prisme-là, mon attitude s’explique volontiers par l’inertie. J’étais dans l’action, je suis restée dans l’action. Nous pourrions dire que face à un changement brutal de situation, le fait de garder certains fonctionnements identiques est une manifestation du déni (étape si précieuse de tout processus de deuil, même quand on aimerait bien ne pas tomber dedans !). Pourtant, l’utilité du déni est bien de permettre à l’individu de ralentir le processus de prise de conscience du choc en lui donnant du temps. Un peu comme l’inertie permet de ne pas stopper brutalement un mouvement. Ce sont des phénomènes de préservation.

Juin 2020…

Et comment faire aujourd’hui pour sortir de l’inertie du peu ? Comment changer l’état dans lequel je me trouve pour repasser à l’action ? Certes, je constate qu’il est plus facile d’accélérer que de ralentir, mais comment garder le contrôle sur la vitesse pour ne pas passer du trop peu au trop tout court ?

En tous les cas, j’ai appris et je promets à mes chers coachés que j’ai compris que tous changements de rythme prennent du temps, car ils se font parfois à notre corps défendant… Et que je ne confondrai plus inertie et manque de volonté…

Natacha Andenmatten,  coach accréditée ICF et formatrice.