« Pour mon coaché, je suis reconnu comme professionnel s’il me voit utiliser et maîtriser un bon nombre d’outils ». Ces propos entendus dans le cadre d’une supervision d’un candidat à la certification m’ont interrogé. Ils donnent matière à réflexion et m’ont inspiré cet édito. Je tiens à remercier l’auteur de cette phrase à l’origine de cette lettre ouverte.

A toi collègue coach,

Quand bien même tu te qualifies d’inexpérimenté, je te considère sincèrement comme collègue, car nous nous investissons simplement dans la même activité.  A bien réfléchir, ce n’est pas tant d’exercer la même profession, d’user de mêmes outils, d’adhérer aux finalités et valeurs du coaching qui me poussent à te considérer comme collègue. Non, il y a autre chose de plus essentiel, de plus profond! Nous partageons le goût de l’autre et travaillons sur nous-mêmes, car nous considérons que l’outil premier du coach est lui-même. Essentiellement pour cela, tu es mon collègue. Nous nous intéressons à l’homme, à sa complexité et donc à sa part de mystère. Or, un mystère n’est pas quelque chose que l’on ne comprend pas mais quelque chose que l’on n’a jamais fini de comprendre. Se connaître entièrement est un leurre, se comprendre dans des situations précises est une nécessité, en particulier pour celui qui prétend faire profession d’un métier de la relation d’aide. Dans la supervision, nous vivons notre appartenance professionnelle, nous travaillons notre légitimité, renforçons notre crédibilité, nous augmentons notre capacité à créer des liens avec des personnalités très différentes de nous. Après avoir vécu avec toi ce temps de supervision, j’espère que tu accueilles favorablement le fait que je te considère comme collègue. Lorsque nous travaillons sur nous-mêmes et notre pratique, nous nous dévoilons. Ainsi, nous partageons notre humanité: il n’y a alors ni maître, ni disciple, il n’y a que des pairs.

Notre besoin de reconnaissance – si compréhensible en début de carrière – évoqué dans la première phrase de cette lettre est acquis en premier lieu auprès des collègues. Tu rencontreras d’autres coachs qui, à leur tour, te reconnaîtront comme alter ego. Ta légitimité s’en trouvera à chaque fois un peu renforcée. Réjouis-toi…

Comme tu le dis, l’autre part de notre légitimité vient des clients et du volume de travail que nous réussissons à générer. Aussi, nous espérons ardemment que le bouche-à-oreille fonctionne, renforce notre notoriété et déclenche un cercle vertueux si important au début de notre carrière d’indépendant. Tu avances l’idée que l’usage et la maîtrise d’outils sont des facteurs importants. Pourquoi pas ? Car la diversité en termes de critères de satisfaction du client est à la mesure de la diversité des humains… infinie ! Qu’est-ce qui fait qu’un client est satisfait ou non ? Je crois que la satisfaction est corrélée à la perception du changement que la démarche a provoqué chez ton coaché. Qu’est-ce qui provoque au mieux le changement ? Pour  répondre à cette question, je te rappelle les résultats d’une recherche[1] qui avait pour but de déterminer les facteurs significatifs :

  • L’implication et la détermination du patient : dans une proportion de 40 %.
  • La qualité de l’alliance de travail entre et le coach et son coaché: 30 %.
  • La confiance en l’efficacité de la démarche (incluant l’effet placebo) : 15 %.
  • La spécificité de l’approche privilégiée : 15 %.

Comme tu le constates, 55 % de la réussite – et donc de la satisfaction – sont dans les mains de ton coaché, 45% dans les tiennes. Sur ces 45%, seuls 15% appartiennent aux outils et aux processus choisis. Donc, tu as partiellement raison : les outils influencent l’issue du coaching.

Intéressons-nous au 30% restant sur lesquels tu peux agir : la qualité relationnelle. Mon expérience me démontre que c’est le champ où nous gagnons le plus en crédibilité. Les personnes ont soif de vivre une relation de confiance, dénuée de tout jugement. Elles seront touchées par l’accueil que tu leur réserves, ton optimisme lucide, ta sensibilité à entrer dans leur monde, ta décontraction à accueillir et faire travailler les aspects émotionnels. Elles seront marquées et se souviendront du climat d’authenticité qui leur aura permis de ressortir un peu différentes de leur séance. Tu les mettras à l’aise à chaque fois qu’il y aura une grande cohérence entre ce que tu dis, fais et penses. En bref, ta façon d’être présent à toi et à l’autre peut les embarquer dans une rencontre humaine qui ne les laissera pas indifférents. Tu créeras le climat qui leur donnera la sécurité et l’élan pour apporter le changement qu’ils se souhaitent.

Pour terminer je te laisse une phrase de l’écrivain allemand Heinrich Böll résumant l’enjeu du travail sur soi pour un coach lorsqu’il dit : « Je sais ce que je fais mais je ne sais pas ce que je provoque en le faisant ». il s’agit en effet de se connaître non pas pour nous-même comme un objet hors sol, mais plutôt de travailler sur soi dans le cadre de nos relations : qui je suis dans telle situation et avec telle personne. La qualité de ton impact donnera l’envie à ton interlocuteur de revenir et de te recommander.

Au final, je souhaite de tout coeur que tu reçoives dans l’année qui vient des retours positifs sur la qualité de ta présence afin que la peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas mériter ton titre de coach professionnel s’estompe peu à peu. Le syndrome de l’imposteur est souvent présent au démarrage d’une nouvelle activité. Nous passons par là. Travaille ta présence à toi et à l’autre et pour le reste fais confiance à la vie et à ton goût d’aller de l’avant et d’apprendre de nouvelles choses.

Eric Gubelmann coach accrédité ICF et formateur en coaching.

Pour ceux qui souhaite travailler leurs compétences relationnelles nous avons écrit un livre et organisons tout prochainement un atelier collectif.

https://www.coaching-services.ch/explorer-son-identite

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[1] www.passeportsante.net/fr/Therapies/Guide/Fiche.aspx?doc=psychotherapies-th-pourquoi-ca-marche