On commence à vieillir quand on finit d’apprendre

Proverbe japonais

Si, aujourd’hui, je vous propose cette réflexion, c’est que je suis concerné par cette thématique. Je débute une transition : j’entrevoie la fin de ma carrière et me prépare à la quitter d’ici deux ou trois ans.

Quelques fringants lecteurs pourraient me dire que cette thématique n’est pas encore dans leurs préoccupations. A première vue, ils ont raison. Mais à y regarder de plus près, je doute que cette question ne les concerne pas déjà.

Pourquoi n’ai-je pas intitulé ma réflexion : que voudrait dire bien évoluer en tant que coach ?  Vous en conviendrez que le verbe évoluer appartient, entre autres, au vocabulaire  du monde du travail, du management, des RH ; sa connotation est positive, flatteuse. Or, vieillir est une chose que l’on fait avec tant de naturel, à l’insu de notre plein gré et dès notre venue au monde et qui n’est pas des plus réjouissant à première vue, si on le résume à déclin et perte progressive ! Par contre, évoluer exige une volonté ou tout au moins découle de choix plus ou moins heureux. J’ai envie de penser notre évolution de coach en tenant compte de notre finitude dans une lucidité joyeuse. Le manque de considération de tous les commencements et les fins de nos vies tronque nos choix et nos engagements d’une perspective intéressante. Les effets du temps qui passe, les petites et grandes transitions[1] nous invitent à considérer notre parcours dans une perspective de vie plus large, d’y introduire le sens profond de notre engagement par la pensée philosophique et/ou spirituelle. Philosopher, c’est « apprendre à vieillir » affirme André Comte-Sponville[2].

Une première réponse à la question serait de ne pas oublier d’intégrer au cours de nos choix professionnels un questionnement sur le sens de notre action en regard de notre destinée : qu’est-ce que je veux vraiment maintenant dans mon existence, qu’est-ce qui me rend particulièrement vivant, plein et nourri ? Je suis conscient que nos choix ne peuvent pas être uniquement dictés par des aspects existentiels et qu’il s’agit d’y apporter un éclairage pragmatique. Pour ma part, j’ai trop longtemps mis l’accent sur les aspects concrets liés à mes besoins de sécurité financière, de reconnaissance et de challenge et j’ai délaissé ces questions de fond dont les réponses sont moins évidentes, qui plus est évolutives au fil du temps. Bien évoluer comme coach serait de donner et donc d’offrir à nos coachés de plus en plus de profondeur dans notre présence par la confrontation et l’acceptation de nos peurs fondamentales comme la finitude, le rejet, la peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas être aimé, etc.

Vieillir ne veut pas dire se sentir vieux. La notion de vieillesse est relative : un sportif d’élite est vieux à 35 ans. Il ne faut pas confondre, l’âge processus objectif et quantitatif, avec l’état de vieillissement de notre corps, de notre cerveau et de nos comportements. Nous sommes tous relativement jeunes ou vieux par rapport à quelqu’un. C’est pourquoi bien vieillir commence au démarrage de notre activité en prenant soin des aspects sur lesquels nous avons prise.

Un coach qui vieillit bien  est un coach qui apprend de plus en plus à aimer la vie telle qu’elle est plutôt que de ruminer ses craintes; c’est également changer notre rapport au temps en le prenant ; être dans la gratitude de ce qui est, plutôt que dans la nostalgie de ce qui fut. Le coach qui vieillit bien donne de la place au présent plutôt qu’à l’avenir, ce qui ne l’empêche pas d’être en projet. Il reste conscient et serein dans l’impermanence des choses : je suis coach aujourd’hui et je ne le serai pas pour toujours. Bien vieillir c’est rester souple, augmenter sa capacité à accueillir la différence, vivre l’altérité sereinement, continuer à apprendre, à remettre en question ses certitudes : le gâtisme n’est-il pas le fait de n’avoir plus que des certitudes définitives ! C’est rire de soi en regardant dans la glace les outrages du temps !

Au final, je dirais que bien vieillir c’est vivre le reste de sa vie de telle sorte que l’on puisse mourir guéri. Formulation paradoxale pour exprimer le travail de réconciliation que l’on peut faire avec soi-même, les autres et la vie.

Pour ceux qui souhaitent bien vieillir tout en continuant à évoluer, la supervision reste un moyen parmi d’autres pour rester jeune dans sa tête et avenant dans ses relations : prochaine supervision de groupe a lieu le mercredi 3 octobre. www.coaching-services.ch/supervision-en-groupe

Pour s’inscrire : www.coaching-services.ch/inscriptions

Eric Gubelmann coach accrédité ICF et formateur, août 2018


[1] Françoise Dolto appelle ses  différentes étapes de castrations symboliques, pertes et passage à la fois. Il s’agit de laisser pour découvrir autre chose.
[2] Le philosophe écrivain a donné une conférence à Lausanne sur ce thème à la mi-février 2013.