Vous prendrez bien un peu de liberté ?

Dans le contexte sanitaire actuel de débat autour de la notion de liberté, j’aimerais partager quelques réflexions autour du lien entre l’accompagnement et la liberté. La pratique de coach, telle que je la conçois débouche en effet sur une forme de libération de la personne accompagnée. Je vais tenter de développer ce postulat en me basant sur trois éclairages que j’utilise fréquemment dans le cadre des rencontres qui jalonnent le cheminement de « mes » client-e-s.

Le premier d’entre eux renvoie au triangle dramatique de Karpman[1] qui s’articule autour de trois rôles psychologiques et de leurs interactions : le Sauveteur, la Victime et le Persécuteur (ou Bourreau). Lorsque nous sommes pris dans cette logique, souvent à l’origine de nos erreurs émotionnelles, nous « interprétons » tour à tour ces rôles, soit en nous laissant victimiser par le contexte extérieur, soit en nous érigeant comme sauveur providentiel soit en assumant le statut du « méchant ».

Le travail du coach consiste alors, dans un premier temps, d’aider la personne à identifier le(s) rôle(s) dans le(s)quel(s) elle s’est laissé enfermer puis, dans un deuxième temps, de l’encourager à reprendre du pouvoir d’agir en se libérant des stratégies manipulatoires (celles des autres et/ou les siennes), ce qui passe principalement par la capacité d’assumer sa part de responsabilité dans la situation problématique et, par conséquent, de renvoyer les autres à la leur.

Un deuxième étayage s’appuie sur les recherches de Cannon[2] que j’appelle le « modèle des 3 (+2) F ». Mû par la peur, notre cerveau reptilien nous incite de manière instinctive à réagir soit en fuyant (Flight), soit en mettant toutes nos forces dans le combat (Fight) soit en nous immobilisant, telle une proie tétanisée (Freeze). Si cette stratégie de survie a son utilité dans des contextes extrêmement menaçant, elle montre toutefois très vite ses limites lorsque notre quotidien comporte prioritairement des « menaces imaginaires ». Pour permettre là aussi à la personne d’agir (plutôt que de ré-agir), l’accompagnant que je suis lui propose deux « F » supplémentaires : affronter (Face) ses propres peurs en les nommant et en les accueillants avec bienveillance pour ensuite pouvoir s’en libérer (Free). Car, pour le dire avec les mots de Thomas d’Ansembourg[3], « la liberté c’est peut-être de ne plus avoir peur de ses peurs ».

Et, pour conclure, je fais souvent appel à l’approche systémique et à la pensée complexe pour permettre à la personne accompagnée de passer d’une logique du « ou..ou » à une perspective « et…et » : et si elle accueillait les autres et plus encore elle-même avec leurs/ses lumières ET leurs/ses ombres, avec leurs/ses forces ET leurs/ses limites, leur/sa vulnérabilité ? Dit autrement : et si elle acceptait qu’elle représente (et que nous représentons tous et notre monde également) un « paradoxe sur patte » hyper complexe ? Et que la complexité (dont Edgar Morin[4] rappelle qu’elle vient du latin « complexus » qui signifie « ce qui est tissé ensemble ») nous invite avec force et insistance à relier plutôt qu’à séparer, à bâtir des ponts plutôt qu’à polariser. Ce qui revient à accueillir et à dépasser les tensions, tant intérieures qu’extérieures, pour en faire un réel moteur qui « lie-bère » à la fois l’individu et le collectif. Car, comme l’avance Nelson Mandela, « être libre, ce n’est pas seulement être débarrassé de ses chaînes, mais c’est vivre d’une façon qui respecte et améliore la vie des autres ».

Olivier Mack, formateur d’adultes et coach : www.mackoaching.net

Sources:
[1] Karpman, S.B. (2017). Le Triangle Dramatique. Comment passer de la manipulation à la compassion et au bien-être relationnel. Paris : InterEditions, Dunod.
[2] Cannon, W. B. (1929). Bodily changes in pain, hunger, fear, and rage. New York.
[3] D’Ansembourg, T. (2001). Cessez d’être gentil, soyez vrai ! Montréal : Les Éditions de l’Homme.
[4] Edgar Morin, « La stratégie de reliance pour l’intelligence de la complexité », in Revue internationale de systémique, vol. 9, n° 2, 1995.