Résilient ou « rési-lent »?

Que cela soit à titre individuel ou collectif, les épreuves n’épargnent personne : maladie, décès, catastrophes naturelles, économiques ou sociales – nos vies sont jalonnées d’expériences parfois éprouvantes.

Ayant récemment perdu ma femme après l’avoir accompagnée en tant qu’« ac-compagnon » et proche aidant pendant plus de quatre années, je me suis souvent entendu dire : « Tu devras faire preuve de résilience ! ».

Ce terme, employé à l’origine par le psychanalyste anglais John Bowlby dans ses travaux sur l’attachement et rendu populaire en francophonie par le neuropsychiatre Boris Cyrulnik[1], est aujourd’hui employé très fréquemment en regard des diverses épreuves qui se présentent dans nos vies avec le risque d’être vidé de son sens et de devenir, selon Violaine Gelly, psycho-praticienne française, « la tarte à la crème des psychologues de comptoir et de donneurs de leçons[2] ».

Du latin « resilire », à savoir « rebondir », la résilience désigne, dans le domaine de la psychologie, « un phénomène psychique complexe, résultat de nombreux processus visant à apaiser la vulnérabilité liée à un traumatisme[3] ». Or, contrairement à ce qu’avançait Nietzsche dans sa maxime « ce qui ne me tue pas me rend plus fort », les épreuves détruisent une part de nous et nous demandent d’accueillir une vulnérabilité à la fois accrue et irréparable, du moins dans son intégralité.

La résilience n’est donc pas « une recette pour revivre comme avant le traumatisme ; elle est un ajustement créateur qui va permettre de continuer à vivre, différemment[4] » et de faire de l’épreuve « un merveilleux malheur[5] ». La résilience ne se décrète donc pas, elle se vit ; elle n’est pas non plus un acte de détermination volontariste : elle exige de la personne concernée beaucoup de patience, d’humilité et de (auto) bienveillance.

Les spécialistes de la résilience s’accordent sur plusieurs facteurs-clé essentiels pour la pertinence du processus. Tout d’abord, la capacité d’adaptation de l’individu ainsi que celle de s’appuyer sur l’autre. La résilience prend ainsi souvent la forme d’un « voyage accompagné[6] », dans lequel l’altérité et la parole participent à la capacité de donner une signification à l’épreuve et, donc, à la vie[7].

Or, en tant que professionnel-le-s de l’accompagnement, nous sommes de véritables « tuteurs de résilience » : l’écoute bienveillante et non-jugeante ainsi que l’altérité définissent l’essence de notre posture.

En tant que coach, je me surprends cependant à penser parfois que telle personne manque de volonté ou que, chez une autre, « ça n’avance pas » (sous-entendu : «…aussi vite que j’aimerais que ça avance »), faisant preuve d’impatience et négociant avec mon envie d’imposer mon rythme à l’autre. Oubliant ainsi la devise de toute transition (« Hâte-toi lentement ») et que, être résilient, c’est aussi avoir besoin de temps et de se donner la permission d’être « rési-lent ».

Et vous ? Quel « tuteur de résilience » êtes-vous ? De quelle manière vos propres vécus de résilients sont-ils mobilisés dans ce rôle ? En quoi peuvent-ils interférer dans le processus de résilience des personnes que vous accompagnez ? Qu’apprenez-vous de la résilience de ceux avec qui vous cheminez, soit en tant que personne, soit en tant que professionnel de l’accompagnement ?

Je vous laisse avec ces questions « à mâchouiller » et vous souhaite une très belle suite de cheminement, tant intérieur qu’extérieur, en écoutant votre rythme et votre éventuel besoin de lenteur.

Olivier Mack, Coach indépendant (Mackoaching), formateur et superviseur d’accompagnant-e-s, auditeur externe pour les certifications à Coaching-Services.

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[1] Cyrulnik, B. (2009). Résilience. Ou comment renaître de sa souffrance. Paris : Fabert.
[2] Gelly, V. (2023). Résilience. Psychologies Magazine, Juin 2023, p. 92
[3] Idem
[4] Idem
[5] Cyrulnik B. (1999). Un merveilleux malheur. Paris : Odile Jacob.
[6] Gelly, V., idem
[7] Lire à ce sujet Yoker, Ü. (2023). La résilience a aussi un prix. Horizons, 06/23 (https://www.revue-horizons.ch/2023/06/01/la-resilience-a-aussi-un-prix/)